C’est arrivé près de chez vous
Quelle ne fût pas ma surprise, en décembre de 2017, de voir pleurer lors d’une conférence sur la cybersécurité que m’avait proposé de tenir le service culture de la Ville de Seclin, une petite dame d’une soixantaine d’années. Je l’appellerai Suzanne, un pseudonyme pour protéger son identité. Elle venait d’apercevoir, dans l’une de mes démonstrations, son « amoureux » ! L’homme, un bel Apollon de trente ans. Il se faisait appeler Laurent. Il était tombé fou amoureux de la mamie sur un forum de rencontres. « Je me sentais seul, il m’écoutait, m’écrivait des mots d’amour. J’ai succombé. » Une relation qui va durer 6 mois… et 10 000 $.
De l’argent que va verser la nordiste à son « amoureux », via des paiements réguliers sous forme de Western Union, Monegram et autres PCS card. « Laurent me promettait de venir en avion, mais il n’avait pas l’argent » va-t-elle m’expliquer. « Laurent a atterri un jour à Lyon, mais avait perdu ses papiers et son argent. Il m’a demandé de l’aider pour payer son taxi. Il a dû repartir chez lui. »
Cet escroc, appelons-le comme il se doit, va aussi parler d’un problème de santé, d’une opération chirurgicale, … et Suzanne va payer, encore. Il faudra attendre le déclic de ce mois de décembre 2017 pour qu’elle comprenne l’arnaque. Suzanne était venue à ma conférence, poussée par ses enfants qui n’arrivaient pas à la raisonner.
Ce que vous risquez
Le love scam comme il peut être baptisé joue sur la solitude, le besoin d’affection. Selon une enquête menée en 2018 par le Consumer Report, 43% des personnes inscrites sur un site de rencontre craignent de tomber dans le piège d’une arnaque aux sentiments sur Internet. Combien ne l’avoue pas ? Combien se sont fait piéger, sans rien dire. En France, ce détournement d’argent atteindrait 150 millions d’euros selon une étude du site 50 Plus. Les victimes se sentent souvent démunies face à ces escroqueries et ne savent pas comment réagir. Honteuse de s’être fait voler des centaines, et dans certains cas, des milliers d’euros.
Ces arnaques peuvent aller très loin. Un autre exemple avec S., un jeune nordiste qui va se retrouver coincé par une escroquerie à l’amour qui aurait pu lui coûter la vie. Son « amoureuse », rencontrée sur un tchat spécialisé, va l’inciter à se mettre à nue, via sa webcam.
Ce que ne savait pas S., des captures écrans seront réalisées par son « amoureuse ».
Quelques jours plus tard, cette charmante blonde va se révéler être un homme, basé en Afrique. Un escroc baptisé dans le milieu de la sécurité informatique et des arnaques numérique, brouteur. Il venait de créer plusieurs blogs au nom de sa victime, affichant les photos. « Si tu ne verse pas 5 000 euros, je diffuse l’information à tes amis. » S. va payer… et à penser aux suicides avant d’alerter ses proches.
Comment se protéger
D’abord, l’escroc (scammeur) va vouloir très rapidement sortir du site de rencontre, du tchat spécialisé. Il réclame un mail, un numéro de téléphone, pour converser de manière plus sécurisée et « intime ».
Il propose aussi des photographies très avantageuses de sa personne.
Il n’est pas possible de le rencontrer, visuellement, pour le moment. Des dizaines d’excuses seront alors appliquées par le fraudeur : il est à l’étranger, malade, au travail, marié …
Il adore écrire. Il va vous noyez de poème. Il sera très insistant sur votre sincérité, votre honnêteté. Il n’aura pas peur d’expliquer « s’être fait avoir si souvent par un faux amour ». Pour les personnes les plus fragiles, c’est ici que le piège se referme. La victime, comme « Suzanne », tombe véritablement amoureuse. L’escroc n’hésite pas à envoyer des SMS, des photos, chaque jour, pour conforter sa cible.
Ne jamais envoyer d’argent serait la règle à retenir. Si vous ou un proche avait envoyé de l’argent, vous ne le récupérerez jamais !
Choisissez un site connu. Même si cela n’est pas un gage de sécurité, les modérateurs des portails de rencontres sont là, normalement, pour repérer les pièges.
Ne communiquez qu’à partir du site de rencontres. Adresse électronique et numéro de téléphone ne s’échange qu’au moment d’une rencontre physique.
Pour analyser les photos envoyées par « l’amoureux », Google Image sera votre recours. Je vous invite à lire la fiche « Petites annonces » pour utiliser la technique d’analyse de photographie. Si « l’amoureux » apparait sur différents sites, sous différentes identités, vous l’aurez compris, le piège est avéré.